dimanche 11 mars 2018

Poèmes de Jean-Luc Sarré (1944 - 2018)

En hommage au poète Jean-Luc Sarré,


Jean-Luc Sarré à Grignan en septembre 2011 à l'occasion des 30 ans de la maison d'édition La Dogana

Je copie  quelques lignes du recueil Autoportrait au père absent, publié en 2010 au Bruit du temps

I
            Les pointillés que faisait le bâton de mon père 
            Sur la grève de Sandymount: 
            Cela non plus la marée ne l'effacera pas.  Seamus Heaney, L'Etrange et le connu

 [...]              

Tout cela semble t'ennuyer;
tu n'es pas tenu d'écouter,
pourtant, pour n'être pas d'accord
nous parlions souvent la même langue.
Peut-être pourrais-tu comprendre
dans quoi je me suis -malgré moi
il faut bien le dire - engagé,
alors même que la lassitude
avait raison de ton errance,
bien que l'intention fût ancienne
car sans doute y pensais-je déjà
quand il m'arrivait de surprendre
la mort à l'oeuvre dans ton regard.
Souvent frileux, insatisfait,
confiant mes journées au hasard,
n'entendant rien à cette histoire
qu'une vague menace semblait miner,
j'avais choisi de chevaucher
-suivant à la lettre tes conseils-
la frivolité, l'insouciance,
jusqu'à perdre mon identité;
les mots me l'ont restituée
qui m'accompagnent, m'ouvrent les yeux,
j'accommode sur l'évidence
et me défie des souvenirs
"comme d'une montre arrêtée".
Je n'aime pas cette camisole
mais dois-je pour autant t'oublier ?

p.15-16
[...]

II
             ... Et ce mot JE résume pour moi la structure du monde. Michel Leiris, Aurora

C'est une curieuse façon d'égrener la pénombre;
l'ancienne pendule tictaquait, comme il se doit,
celle-ci a des manières de robinet qui goutte.
Un terme semble manquer dans l'onomatopée,
seul le tac tombe et creuse inexorablement
le temps plus qu'il ne l'accompagne ou ne le flanque,
et rien, pas un bruit pour contrarier ce travail.
Cette journée est inhabitable. Mieux vaut rester
à la périphérie en attendant le soir.

p. 73

Il y a des années qu'il tourne dans son bocal
à l'extrémité du comptoir, le poisson rouge.
La patronne prétend qu'il s'agit bien du même
et ne voit vraiment pas où serait le mystère.
"Il suffit de savoir s'en occuper, c'est tout."
Elle aussi est toujours la même: rébarbative.
Rien n'a changé, excepté le percolateur;
combien d'illusions n'ai-je pas tuées dans l'oeuf,
accoudé au comptoir en contemplant ses chromes!
De même la terrasse -trois tables, cinq ou six chaises -
était un lieu propice aux exécutions.
J'y regardais parfois passer la vie des autres
sous les platanes qui débordaient de cris d'oiseaux.
Une harmonie régnait...Je m'illusionne encore.
p.91


On pourra écouter cet autre hommage,  l'émission enregistrée sur WEB RADIO ZIBELINE (WRZ), avec Liliane Giraudon, Christian Tarting et Frédéric Valabrègue, préparée par Alain Paire et Marc Voiry (mise en ligne le 8 mars 2018):  https://soundcloud.com/ostrogothe/jean-luc-sarre-1944-2018
Il y est question d'autres recueils de Jean-Luc Sarré, La Chambre  (1986), Affleurements (2000) et Extérieur blanc (1983)...
http://www.journalzibeline.fr/programme/jean-luc-sarre-1944-2018/

Pour lire encore:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_Sarr%C3%A9

sur le site d'un de ses éditeurs, Le Bruit du Temps:
http://www.lebruitdutemps.fr/_auteurs/Jean-LucSarre.htm

et sur Poezibao (anthologie permanente):
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2017/09/anthologie-permanente-jean-luc-sarr%C3%A9-apostumes.html

Jean-Luc Sarré est né à Oran, en Algérie, en 1944, il s'installe à Marseille en 1968.

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