lundi 21 novembre 2016

Je ne crois pas aux fantômes ...

A quelqu'un qui demandait à la marquise du Deffand, amie de Voltaire, comptant parmi les esprits éclairés du siècle des Lumières,  si elle croyait aux fantômes, il paraît qu'elle répondit: " je ne crois pas aux fantômes, mais j'en ai peur". 


série "les chaises", monotype (2012)

Le paradoxe éclate. Si les intellectuels du  XVIII ème siècle  étudient toute chose avec raison pour se libérer de l'obscurantisme,  pour critiquer l'archaïsme des monarchies absolues et  s'ouvrir à la recherche du bonheur individuel et collectif; s'ils entendent s'opposer  aux ténèbres du fanatisme religieux et à la superstition prévalant dans des couches de la population les moins instruites et les plus populaires; la réalité montre qu'un esprit de doute et de peur pousse à l'émergence d'une littérature fantastique qui raffole d'un étrange qui bouscule la perception raisonnée du monde sensible. La littérature fantastique nous dit que la recherche d'une logique et d'une cohérence du monde semble  échapper à toute volonté de la contrôler par l'exercice de la raison. Mais bien sûr, tout cela n'est que littérature et le non-sens des choses est le fruit de l'imaginaire des auteurs ! 

Pour compléter, la lecture de deux nouvelles fantastiques du XIXème siècle, très proches dans leurs problématiques : un homme éperdument amoureux reste inconsolable après la mort de celle qu'il aime ... "L'amour est plus fort que la mort", écrit Villiers de L'Isle Adam en ouverture  de la nouvelle, "Véra" (1893). Guy de Maupassant dans "La Morte" (1889) commence ainsi : "Je l'avais aimée éperdument."
La nuance inaugurale entre les deux récits, le présent (de vérité générale) pour l'un, le passé  pour l'autre, laisse deviner l'évolution divergente des deux récits, l'un dans une veine fantastique teintée de romantisme et l'autre de pessimisme.  Deux nouvelles qui sont deux petits bijoux d'écriture ... 
Dans la nouvelle de Villiers de L'Isle Adam, on sera attentif à la description de la chambre qui revient à quatre reprises... quatre mutations significatives dans l'évolution du récit et de l'état d'esprit du personnage: objets inanimés, auriez-vous donc une âme ? 

"La Morte", Guy de Maupassant, La main Gauche, 1889

Je l’avais aimée éperdument ! Pourquoi aime-t-on ? Est-ce bizarre de ne plus voir dans le monde qu’un être, de n’avoir plus dans l’esprit qu’une pensée, dans le cœur qu’un désir, et dans la bouche qu’un nom : un nom qui monte incessamment, qui monte, comme l’eau d’une source, des profondeurs de l’âme, qui monte aux lèvres, et qu’on dit, qu’on redit, qu’on murmure sans cesse, partout, ainsi qu’une prière.
Je ne conterai point notre histoire. L’amour n’en a qu’une, toujours la même. Je l’avais rencontrée et aimée. Voilà tout. Et j’avais vécu pendant un an dans sa tendresse, dans ses bras, dans sa caresse, dans son regard, dans ses robes, dans sa parole, enveloppé, lié, emprisonné dans tout ce qui venait d’elle, d’une façon si complète que je ne savais plus s’il faisait jour ou nuit, si j’étais mort ou vivant, sur la vieille terre ou ailleurs.
Et voilà qu’elle mourut. Comment ? Je ne sais pas, je ne sais plus.
Elle rentra mouillée, un soir de pluie, et le lendemain, elle toussait. Elle toussa pendant une semaine environ et prit le lit.
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"Véra", Villiers de L'Isle Adam, Contes Cruels, 1893


La forme du corps lui est plus essentielle que sa substance.
La Physiologie moderne.

L’amour est plus fort que la Mort, a dit Salomon : oui, son mystérieux pouvoir est illimité.
C’était à la tombée d’un soir d’automne, en ces dernières années, à Paris. Vers le sombre faubourg Saint-Germain, des voitures, allumées déjà, roulaient, attardées, après l’heure du Bois. L’une d’elles s’arrêta devant le portail d’un vaste hôtel seigneurial, entouré de jardins séculaires ; le cintre était surmonté de l’écusson de pierre, aux armes de l’antique famille des comtes d’Athol, savoir : d’azur, à l’étoile abîmée d’argent, avec la devise « Pallida Victrix », sous la couronne retroussée d’hermine au bonnet princier. Les lourds battants s’écartèrent. Un homme de trente à trente-cinq ans, en deuil, au visage mortellement pâle, descendit. Sur le perron, de taciturnes serviteurs élevaient des flambeaux. Sans les voir, il gravit les marches et entra. C’était le comte d’Athol.
Chancelant, il monta les blancs escaliers qui conduisaient à cette chambre où, le matin même, il avait couché dans un cercueil de velours et enveloppé de violettes, en des flots de batiste, sa dame de volupté, sa pâlissante épousée, Véra, son désespoir.
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samedi 19 novembre 2016

Leonard Cohen - ouverture du festival d'Aix-en-Provence - 1970 - Revolution & Bird on the wire

video mise en ligne sur Youbute par Allan Showalter. Voici ce qu'il dit : On August 2, 1970 Leonard Cohen played at the Aix-en-Provence Music Festival, an event overshadowed by his appearance at the Isle of Wight Festival later that month. While the recording from the Aix Festival is only poor to fair, it is authentic and many of the photos included have never before been published.

On leaving France
the blue sky makes the plane go slow

they say I stole their money which is true

let the proprietors of the revolution consider this:

a song the people loved was written by a thief


Aix est  une ville bourgeoise et conservatrice ... ça ne date pas d'aujourd'hui.
Demain, des primaires sont organisées par la droite, les élections se profilent à l'horizon.
Alors, encore un morceau engagé de Leonard Cohen, qui convient particulièrement aux jours présents.


 

Leonard Cohen "There is a war", album New skin for old ceremony, 1974

jeudi 17 novembre 2016

Exposition Fernando GALVEZ (peintures) - Moulin de La Roque- Bandol

Exposition des peintures récentes de Fernando GALVEZ 
au domaine viticole du Moulin de La Roque - Bandol (Var)

Vernissage de l'exposition jeudi 8 décembre de 18h à 21h

Exposition du 9 décembre 2016 au 29 janvier 2017
le lieu  est ouvert du lundi au samedi 
de 10h à 12h et de 15h à 18h




mercredi 16 novembre 2016

Self-portrait by Georges Guye - 06/22/2016 article translated. Traduction de l'article du 22 juin dernier

The translation bellow refers to an article  I wrote about this self portrait sculped by Georges Guye. The translation is done by G.Guye. and a friend of him.  To reach the french version : http://imagesentete.blogspot.fr/2016/06/georges-guye-autoportrait-sculpte.html




Last February, I discovered a sculpture by Georges Guye – a self-portrait. By then, it was a smaller item of what was to become a real size sculpture. But, that day, I saw it like a “gisant” somewhat like a recumbent statue, lying in a chirurgical set, an operation room.
Later, I’ve been back to his studio near la “Vieille Charité” in Marseille. The sculpture was then almost achieved.
 This GG’s sculpture shows him standing, without clothes. But, the swimming suit he is wearing distinguishes him on purpose from a living model, which would show a nude of the artist.
 To create a self-portrait is like taking someone as a model who is not the model. Like showing yourself without any abandon of distances, and beyond, all the limits referring to yourself. That’s what occurred to me at a first glance.
Instead of creating a complete nude, GG has played at minima with the request of “an honest man” with respect to conveniences.  We find ourselves around a withheld posture that does not show any defiance, neither any intention of superiority; the spectator remaining on the same level as the artist’s work standing on a base on the floor. Hence the spectator finds himself on an equivalent level to the artist’s work.


Is this the way GG wishes to place himself as an artist in front of the spectator? Does he want to invite the viewer to consider art as a part of real life, as necessary as earthly nourishment?
To exhibit the sculptor in an intimate and very close sphere seem to me an unexpected and original procedure, rather close to what the committed humanist Michel de Montaigne did in writing his “Essays(1592).

Montaigne writes: “One would say that taking oneself as subject could be an excuse for some gentlemen, rare, and famous by their reputation who would like to share their knowledge. One thing is certain; I do admit and I know that in order to examine a common man, un ordinary craftsman does not let his eyes leave his work (…) I am not erecting a statue at the crossroad of the city (…) Some have the desire to talk about themselves as they find the subject rich and full of dignity; on the contrary, I find it too infertile not to provoke an ostentatious suspicion”. (Essays II 18 – 1580 – 1592).
Here, the normality of the appearance tends to move the look of the bystander from curiosity towards a more careful attention and a more delicate attention. Already, we are in Rousseau’s domain. He declares in the beginning of “Confessions” (First book, 1712 – 1728): “ I want to show my fellow men a man in the whole verity of nature”.

As I am not familiar with other attempts of self-portraits in a human scale size, comparable to GG’s sculpture, I refer to Philippe Lejeune and his “pacte autobiographique”:   “The commitment by an author to render a life story in retrospect, with sincerity, albeit the difficulties to show oneself nude, to unveil one’s weaknesses, to expose oneself to the (friendly) judgement of the reader” (here, the spectator).
The swimming suit, which adorns the sculpture, as well as the base on the floor evoke the environment of a sand beach. The bare feet are lightly buried in the sand, a small wave licks the toes. The man is standing straight, with his two feet flat, as in a position of rest. A natural position adopted in a harmonious balance. The arms are crossed on the chest with the fingertips under the armpits, as if searching for some source of warmth.
The man, facing the sea, seems to contemplate the water. We could guess an envy, but with apprehension. We are still in a sort of “maybe”: in  a  suspended time-lap, considering the water, the character lingers around himself before going into the cold water.  The eyes are fixing a far away horizon; they do not meet those of the viewer.
This far away scenery and the potential given by the sculptor open the doors to speculations of all kinds:  poetry, psychology, and philosophy.
For this reason, I stay aside, not imagining a line which would close this parenthesis desired by the sculptor.

On the white plaster strip figuring the swimming suit, we find some coloured elements in “relief” which are quickly identified: sweet
“Haribo” candies! A  link in a wink to childhood anniversaries … and maybe to the time that passes by?
Here also, the puckish spirit of GG pops up (fait surface).  Some references: I recall the surrealist Meret Oppenheim’s “tasse, soucoupe et cuillère recouvertes de fourrure- 1936”, and the ready-made style by Marcel Duchamp.
 Because here,  the reliefs are created one by one, in polyester, copies of the original candies.  We have to consider them as a reference to all the sculpted pieces of art in polyester by GG. Among others, “The Giant Bean” so daring that it recalls the beef quarter by Rembrandt or Chaïm Soutine, or his floor lamps in unusual forms, for instance the  cabbage, the beetroot and more recently his chamallow seats.



According to GG, this standing self-portrait, scale one, is rather unique in the history of sculpture. Another Marseille artist, Gilles Barbier, also uses his own body in his work, but in a different manner. He creates clones of himself, proceeding by castings (not the case in GG’s work). His transformations and distortions, especially when changing the scale, evoke
characters in a freak parade as the ones he staged in the exhibit “Echo système” at the Friche de la Belle de Mai in 2015.


GG’s sculpture is narrative. It tells in an anecdotic manner how GG goes into the water. It is also staging sculpture by the sculptor himself. Is it a confession of faith? An artistic will?

Technically, GG  made a frame of wires covered by plaster strips.  The self-portrait is left in its original white colour, the whiteness of marble. However, in its texture it remains as an ephemeral and fragile object, which could be compared to the essence of life as a “memento mori”.
The standing man is not a “walking man”, he seems far away from a reference to Giacometti, the comparison could only be by antithesis.
GG’s man, his own himself, is not shown walking towards the future, he doesn’t step out of the mud, he doesn’t show any immediate antagonism.
Giacometti does not show a man, but the tragic fate of man.
GG’s sculpture, composes with an inspiration perhaps found in Voltaire’s writings: show a modest figure with derision. Not putting aside a reflection around the human condition, we can see here more the “atome” than a human transcendence.
The silhouette bears witness of  the body’s years of maturity, while the white plaster gives the smoothness of the texture, as well as the quality of lights and shadows, all delicately sensual.


 To sculpt one’s own body is creating oneself while accepting the constraint of the model. Moreover, it’s like giving birth and embracing the model.  It’s a question of expressing the delicate coexistence (or the absence of proximity) with the body, particularly as years go by.
A big abnegation is needed when the decision is taken to sculpt your own body, because you have to observe yourself from every angle, and even more “extract” yourself from yourself. Our interior perception (the most common one) often appears very subjective when confronted to the test of the mirror.
Michel Leiris writes in the first pages of “L’âge d’Homme” 1939  (The age of Man):  “I hate to see myself  unexpectedly in a mirror, not being prepared for it, I find myself  humiliated by the ugliness.”

My conviction is that GG did not escape from this difficulty.  He had to change to a point of view belonging to somebody else. In other words to become a stranger in order to represent himself.


Aix-en-Provence,  June 22nd 2016

Florence Laude

French literature  teacher, painter and blogwoman




Victor Hugo, "Ce que dit la bouche d'ombre" ( extrait)

Au petit matin, ceux que le jour éveille, y verrons-nous plus clair? (F.L.o)   

[...]
Crois-tu que l'eau du fleuve et les arbres des bois,
S'ils n'avaient rien à dire, élèveraient la voix?
Prends-tu le vent des mers pour un joueur de flûte?
Crois-tu que l'océan, qui se gonfle et qui lutte,
Serait content d'ouvrir sa gueule jour et nuit
Pour souffler dans le vide une vapeur de bruit,
Et qu'il voudrait rugir, sous l'ouragan qui vole,
Si son rugissement n'était une parole ?
[...]


Extrait de "Ce que dit la bouche d'ombre",  v.21 à 28, Livre VI des Contemplations, Victor Hugo 1856.

vendredi 11 novembre 2016

mercredi 9 novembre 2016

Matt Boroff, "Garbage man" acoustic version

Version acoustique du morceau " Garbage man", album Sweet hand of fate, 2013 - Superbe !

Matt Boroff, "Lost", live session

Une très belle performance pour ce morceau "Lost" de l'album Sweet Hand of Fate - 2013


dimanche 6 novembre 2016

exposition "Retour à la Sainte-Victoire", Don-Jacques Ciccolini, route de Vauvenargues 200RD10

200RD10
lieu d'art contemporain
"RETOUR A LA SAINTE-VICTOIRE"
Don-Jacques Ciccolini

exposition du 6 au 20 novembre 2016
du mercredi au dimanche de 15h à18h et sur rdv 06 51 20 40 58

Samedi 5 novembre, vernissage de l’exposition présentant plus d’une  vingtaine de  toiles de Don-Jacques Ciccolini, chez Caty et Raymond Galle.  «Retour à la Sainte-Victoire », le titre de l’exposition est explicite, Don-Jacques Ciccolini explore cette fois  les paysages de la Montage Sainte-Victoire, si familiers des aixois, lui qui,  jusqu’à présent, tournait plutôt ses regards vers le Lubéron.  On se souvient des trois expositions  présentées dans la Galerie d’Alain Paire, « L’atelier du paysage » en 2011, «Le pont de Pertuis, un chantier de peinture » en 2012 et «Des nuages, du silence et des rochers » en 2013. 







On remarque, dans cette exposition, que le peintre choisit quelques points de vue, ou motifs, qu’il  peint à plusieurs reprises, épuisant, pour ainsi dire l’image pour se l’approprier, jusqu’à peindre, non plus la Sainte-Victoire, mais sa Sainte-Victoire.  Soulignant que la peinture de paysage est avant tout pour le peintre un travail de peinture sur un motif . Ici, la répétition a vocation d’appuyer le regard sur  la Sainte-Victoire de Don-Jacques Ciccolini, moyen de s’affirmer lui-même ( en tant que peintre) à travers le paysage choisi. Caspar David Friedrich (1774- 1840), peintre romantique allemand écrivait : « Le peintre ne doit pas seulement peindre ce qu'il voit devant lui, mais aussi ce qu'il voit en lui-même », ce que Ciccolini ne nierait peut-être pas.  







Bien entendu, qui peint la Sainte-Victoire, depuis que Cézanne est révéré, prend le risque (surtout à Aix) d’être comparé à lui.  Alors, Don-Jacques Ciccolini semble,  avec deux toiles anciennes, peintes en 1983 (voir la salle du haut), faire un pied-de-nez à Cézanne et  choisir la référence romantique. Ciccolini ne cherche pas dans le paysage les volumes géométriques simples par lesquels il peut l’épurer et le peindre. Ciccolini  allume des feux, dans certains de ses tableaux, non pour témoigner de façon anecdotique d’une activité humaine saisonnière, allant du feu de camp allumé par quelque campeur à la belle saison au débroussaillage hivernal, mais pour réintroduire l’humain dans la peinture de paysage – en particulier le peintre-  comme un cœur battant ou une âme consciente et tourmentée, voire hallucinée et subjuguée par  une palette de couleurs vertes, bleues, brunes, rouges ... etc.
Une  exposition à voir absolument. 

Florence Laude