lundi 20 décembre 2010

chaque jour la Sainte Victoire

C'est un parcours quotidien vers mon lieu de travail, la partie la moins banale, aux abords de la Centrale (thermique) de Gardanne.


La longue ligne droite dessine une perspective. Lignes de fuite en plein dans le mythe (le mille) de la Sainte Victoire. L'angle de vue n'est pas celui peint par Cézanne qui posait son chevalet de préférence de trois quart, à l'ouest de la Montagne. Ici, on voit la chose de face, on l'affronte. Longue vague de calcaire blanc précisément découpée. Arrière plan monumental.

"La montagne Sainte-Victoire ( Mont Venturi ) est située à l'est d'Aix en Provence , elle a connu une gloire internationale en partie grâce à la soixantaine d'œuvres du peintre Paul Cézanne dont elle est l'objet.
Paradis des marcheurs, grimpeurs et amoureux de la nature, elle est un élément majeur du paysage aixois.
Son sommet est le pic de mouches. Il s'agit de l'un des plus hauts sommets du département. Selon une étude récente, la Sainte-Victoire serait toujours en train de grandir. La société ME2i a en effet réalisé une étude par satellite entre 1993 et 2003 apportant une preuve que, durant cette période, l'extrémité occidentale de la montagne Sainte-Victoire a été en surrection de
7 mm par an.
Une partie du massif de la Sainte Victoire est classé en 1983. Du 28 au 31 août 1989, un gigantesque incendie en ravage la face sud sur 5 000 hectares.En février 1990, est créé le syndicat intercommunal du Massif Sainte Victoire. En 1992 de nombreuses plantations sont réalisées afin de reboiser, mais à cause de l'incendie, la végétation a été très réduite, notamment les résineux. L'accès à la montagne est en grande partie interdit en période estivale. En août 2000, le Grand Site Sainte-Victoire est créé. Il s'agit d'un syndicat mixte départemental labellisé « Grand Site de France » depuis 2004 , chargé de la mise en valeur et de la protection du milieu naturel et culturel ainsi que de la gestion de la fréquentation sur un territoire de près de 34 500 hectares dont un site classé de 6 525 hectares." (source wikipedia)

Quand on est du coin, on ne peut ignorer les enjeux culturels et patrimoniaux de cette montagne. Un "culte de la Sainte Victoire" compris, partagé mais agaçant. Comme tout ce qui paraît récupéré par l'institution. Avant, à raison ou à tort (bien sûr à tort) , j'avais l'impression que la Montagne n'appartenait à personne et donc à tous. A la création du "grand site Sainte Victoire", j'ai le eu le sentiment que la terre venait de nous être confisquée et je me suis souvenu du discours du chef Seattle (à lire ici). Site protégé. Cette dénomination même induit une volonté de préservation, "
la garder à part et la tenir pour sacrée". Vous me direz, dans le prolongement de l'idée, pétrifier une montagne semble aller de soi !

La Montagne donc... mais devant, que vois-je qui la précède ? Ne suis-je pas fascinée par ce premier plan ? Il s'y passe des choses, des harmonies colorées , des disharmonies de matériaux quelconques appelés à se déglinguer et à révéler un manque de moyens et de goût pour la belle ouvrage. Cet appariement hétéroclite finit par avoir le charme de la vie. Le temps les marque à une échelle humaine. A l'aune des saisons, des années, d'une vie d'homme le paysage se modifie. L'activité du site impose des constructions nécessaires. Rien de gratuit . Pas d'urbanisme. Du fonctionnel.

Et si l'on est touché par la poésie des multiples et subtils croisements de lignes. Si les verticales qui s'élancent vers le ciel composent, finalement, des rythmes jouant avec les formes cubiques plus ramassées, déclinées dans une gamme colorée harmonieuse c'est une chance, un hasard surréaliste dépendant du moment, de la lumière et d'un enchaînement de circonstances imprévues. En quoi est-ce différent de la construction des centres urbains moyenâgeux agglomérés à force de nécessité. Un corps de bâtiment ici, un autre adossé là et puis un ajout au devant. Ici on surélève, là on crée une extension quand le besoin presse. Enchevêtrement motivé. Utile.


Et la question du paysage ? Ce que j'appréhende dans mon champ de vision, de mon point de vue fait coexister sur la ligne d'horizon un patrimoine culturel préservé, intouchable, immuable avec, au premier plan, un espace voué au contingent. Sorte d'oxymore visuel dont je m'accommode. La montagne subsistera aux vicissitudes, victorieuse, inhumaine. Une dimension colossale qui la préserve. Beauté naturelle qui en impose. Il n'en va pas de même du territoire de la plaine, hospitalier, l'humain y apporte par son action de véritables transformations. Dans le temps qu'il se l'approprie il en abaisse la considération artistique. Cela a été une sorte d'habitude dans la peinture de paysage, de chercher le pittoresque, le point de vue valorisant. Il semble bien dans le cas présent que nous soyons éduqués à donner de la valeur à la Sainte Victoire et à considérer ce type premier plan comme du sabotage. Ces photos qui n'ont pas en elles mêmes de valeur artistique (je ne suis pas photographe mais je photographie) cherchent à nous amener à considérer ce premier plan comme intrinsèque au paysage avec Sainte-Victoire. Nous aurions intérêt à considérer notre contribution à l'élaboration du paysage comme une projection de nous même et pour cette raison même nous y intéresser .

5 commentaires:

Association des amis du musée Mélik a dit…

Réseaux de fils électriques, verticalité des cheminées. L'hiver, les dimanches soirs en particulier, le crépuscule y dessine des silhouettes inimitables. Oui, à côté la minérale Ste Victoire fait ce qu'elle peut, c'est à dire diversion pour les touristes... Tu as raison : il y avait une leçon à tirer de la Ste, il y en a une autre à saisir de cette citadine poésie. On y sent aussi le travail de l'homme, c'est ce qui fait aussi sa valeur.

Flo Laude a dit…

Oui, et je n'ai pas fini d'explorer Gardanne ! En préparation les refroidisseurs de la centrale (c'est déjà dans le boîte) . Et plus tard Péchiney et du vécu en plus...
Tu as raison de souligner la valeur du travail de l'homme, cette dimension m'intéresse, de même auprès des gens que je côtoie.

pierre vallauri a dit…

Si tu le permets, je te ferai part à mon tour de certaines vues prises vers Gardanne et son site industriel (puis revues et corrigées avec photoshop). Mais le rapport entre Sainte Victoire et paysage urbain est assez hallucinant! L'analyse que tu en fais, aurait tendance à nous faire oublier la dégradation des premiers plans face à la manificence de l'arrière plan... qui ne cessent de grandir (7mm par an!)

pierre vallauri a dit…

je crains aussi tout comme toi que le chef Seattle en 1854 n'ait pas été très bien entendu.
Qu'elle sagesse et beauté "simple" dans ses paroles.
Un passage aussi sur l'air que l'on respire.. à méditer et à diffuser pour une exposition en préparation

Flo Laude a dit…

Oui, Pierre, on peut parler de dégradation dans la mesure où le paysage n'est pas gardé en l'état... mais en même temps, comme le disait JM, ce premier plan témoigne du travail et de la vie humaine, il est donc indispensable ! Nous sommes heureux du confort dans lequel nous vivons... mais cela a un prix, celui de l'impact sur l'environnement.
Je veux bien voir tes photos de Gardanne.
Merci pour tes commentaires. Je m'en vais mettre d'autres photos ayant un rapport avec l'air justement !